- Frédéric Lagarrigue et Séverine Rouillan : LLA, CERASA, Université de Toulouse le Mirail "entre danse et design : l'empathie, vecteur d'intégration de l'usager dans le processus de création"
- Céline Picart : Imagine, Université de Bordeaux "le design aléatoire à terminer"
- Agnès Levitte : EHESS CRAL/CNRS
- Marc Monjou : (CeReS), Université de Limoges, "de l'oeuvre à l'outil"
Atelier n°1 "Médiation du design"
Entre Danse et design : le geste comme support créatif pour un design européen : Frédéric Lagarrigue et Séverine Rouillan
LLA, CERASA, Université de Toulouse le Mirail
Design, danse, transdisciplinaire, interculturel, empathie, geste
Développer un enseignement du design au sein d’une université de lettres et de sciences humaines est une opportunité rare. Par essence, le design repose sur la pluralité des approches disciplinaires. Tout comme la philosophie, la sociologie, les arts plastiques, l’histoire de l’art, il imagine, raconte, questionne notre relation à l’autre et à l’environnement. Dans une logique interactive, il exploite une capacité d’analyse de signaux faibles et des expériences sensibles de situations singulières pour donner naissance à des objets innovants. Dans le cadre de nos enseignements de design à l’Université de Toulouse le Mirail, nous nous sommes interrogés sur les modalités pédagogiques susceptibles de développer de telles aptitudes. Depuis quelques années, nous avons impulsé et mis en œuvre, des dispositifs expérimentaux à la croisée de problématiques de création transdisciplinaires et de complicités artistiques inattendues
Le projet entre danse et design a été réalisé durant l’année universitaire 2006-2007 dans le cadre d’un programme intensif Socrates IP financé par la Commission Européenne. Il a aussi reçu le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi Pyrénées et a bénéficié de l’expertise d’Annie Bozzini, Directrice du Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse. Le programme a pris place en janvier 2007 avec comme partenaires l’Université CEU de Valence en Espagne (associée au groupe de designers Culdesac), l’Universitad degli studi di Firenze, en Italie et les chorégraphes Boris Charmatz, Manuela Agnesini, et Rachel Garcia. Le Socrates IP s’est déroulé sous la forme d’un workshop durant 15 jours en alternant différents exercices de danse et de design.
Le design constitue avant tout une conception du monde. La confrontation avec la danse positionne le geste comme le médium par lequel on dépasse la perception d’une situation donnée pour éprouver corporellement une expérience : un autre cheminement pour de nouvelles typologies d’objets ou comment explorer avec un chorégraphe, les possibilités de dessiner un objet à partir du geste ? Comment la rencontre et la friction du point de vue des chorégraphes et des designers peut-elle générer de nouvelles formes et de nouvelles modalités d’usages ?
Expérimenter la gestuelle comme une matrice de création pour la conception d’objets innovants. L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, « déceler l’invisible » et expérimenter sensoriellement la situation révélée. Etonnante matrice que le mouvement d’un corps en mouvement pour générer un objet !
On pourrait se demander quelle légitimité il y a à confronter deux disciplines comme la danse et le design : l’une relève des arts du spectacle et se joue devant un public, durant un temps déterminé, l’autre se préoccupe de donner une forme aux objets qui font de ce monde un monde humain.
La danse est avant tout un langage du corps. La danse renvoie à une forme primitive de communication. Elle est un moyen d’exprimer par le corps des émotions et des sensations de la vie quotidienne. Danser pour séduire, danser pour se distraire, danser la joie d’une victoire ou encore danser pour revendiquer. Le corps s’engage, le corps s’instrumentalise. Un espace d’expressivité où le corps se meut librement et où les expérimentations successives participent de la construction d’un nouveau langage.
On pourrait prolonger cette idée avec le texte de Marcel Mauss qui développe l’idée qu’un certain nombre de geste de la vie humaine peuvent être analysés sous l’angle de la technique : comme accoucher, se laver, nager… Chaque geste propre à ces situations démontre son caractère efficace : un geste poursuivant un but … le corps au centre.
A l’inverse du langage parlé dont la compréhension relève de l’articulation de différents niveaux (phonèmes, mots, phrase…), la gestuelle ne connait pas de restriction similaire. Elle évolue plus librement, provoquant à chacune de ses variations spatiales, temporelles, de formes ou de trajectoires, de nouvelles expressions et significations.
La danse, exploite ces possibilités de la gestuelle. Cette question de la signification, en jeu dans l’espace chorégraphique, l’est aussi dans la gestuelle qui me relie à un objet. Prenons l’exemple d’une carafe à la forme arrondie, dont le poids m’oblige à utiliser mes deux mains pour le service. Remplir un verre d’eau à mon voisin revient dés lors à lui offrir à boire : la forme de l’objet, influe sur le geste qui se répercute à son tour sur la signification de l’action. Mais le designer n’a pas nécessairement conscience de la complexité de ces mécanismes. Dés lors, tout le travail du chorégraphe lors du workshop, vise à amener les étudiants à éprouver corporellement ces situations.
Par un travail sur le corps et le mouvement, les étudiants éprouvent et expérimentent l’existence d’une gestuelle du quotidien ainsi que ses répercussions multiples et polysémiques.
Le designer ne se met il pas à la place du futur utilisateur pour générer son objet ?
Cette capacité qu’a le designer par empathie à se substituer à l’autre lui permet de créer une sorte de glissement de l’avant vers l’après, de se mettre à la place de l’usager. N’est ce pas là aussi une manière de brouiller le schéma émetteur récepteur et de déplacer cette dichotomie en se substituant à l’autre pour mieux répondre à son besoin ?
L’empathie du designer suppose une capacité du designer à développer une sensibilité exacerbée capable de décrypter l’extraordinaire, la magie et la poésie dans les actes et les comportements des gens ordinaires dans le but d’inventer le monde de demain. L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, déceler l’invisible et expérimenter sensoriellement la situation révélée.
Le geste devient le médium par lequel on dépasse la perception d’une situation donnée pour éprouver corporellement une expérience : un autre cheminement pour de nouvelles typologies d’objets ou comment explorer avec un chorégraphe, les possibilités de dessiner un objet à partir du geste ?
Le designer, pour peu qu’ils se donnent la peine d’explorer des voies méthodologiques inattendues, a ce potentiel d’inventer d’autres possibles, d’autres formes, plus proches de l’homme, et justement tellement plus à l’écoute de nos cinq sens.
A partir d’une situation simple comme boire un café, prendre une pause, traverser une route… les étudiants expérimentent les micros-modifications gestuelles induites par le changement de contexte (friendly, carrefuly, sexy, quickly) sur l’action à effectuer. Dans un second temps sont proposées des variantes de formes pour les objets utilisés et/ou inventé. Pour la situation quickly, par exemple, le geste de la main qui signale à l’automobiliste que le piéton va s’engager sur la voie est exploité. Ce simple mouvement génère autour de lui un volume spécifique qui est revisité afin de créer un objet signal en accord avec la signification de l’action et sa connotation publique. La proposition, constituée d’un ruban phosphorescent accroché à la ceinture, dessine et matérialise, lorsqu’on le déploie, le mouvement de la main levée qui signale la traversée et renforce ainsi l’intention du piéton.
Dans un tout autre registre, celui de la toilette et plus précisément du rituel du lavage des mains, les gestes sont revisités selon différentes directions qui ouvrent chacune sur de nouvelles formes et de nouvelles modalités d’usages. Sont proposés différentes variantes de lavabos. Le premier intègre un savon positionné en arc de cercle autour du réceptacle, comme une invitation à la caresse. Un autre se décline sous la forme d’une boule mi-céramique, mi-savon traversée par un filet d’eau et nous invite là encore à modifier nos jeux de mains habituels, pour plus de sensualité. Un autre enfin propose un lavabo en trois parties qui matérialise la décomposition des actions associés au rituel : mouillage, savonnage, séchage…
L’expérience corporelle sert donc d’incitateur à un acte créatif, qui à son tour conditionne la relation gestuelle que nous entretenons avec l’objet lors de l’usage. Le geste dès lors, est perçu comme un élément « chorégraphié » complexe interagissant avec l’environnement global et immédiat de l’utilisation.
Le geste devient alors la contre-forme de l’objet, une sorte de négatif. Mais un négatif indexé, c'est-à-dire inscrit dans une des dimensions possibles de l’objet : celle de l’usage. En quelque sorte, notre travail sur le geste se rapproche d’un travail sur le moule : on explore le devenir de l’objet en s’intéressant à ses contre-formes possibles. Il s’agit de partir du geste, pour mieux y retourner, mais différemment.
L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, déceler l’invisible et expérimenter corporellement la situation révélée. De la combinaison de ces deux ressentis, de l’autre et de soi même émerge un nouveau cheminement méthodologique de projet : pour de nouvelles typologies d’objets.
Les différents exemples détaillés précédemment illustrent cette nécessité pour l’utilisateur d’interroger l’objet afin d’en saisir le fonctionnement. Qu’il s’agisse du lavabo ou encore de l’objet signal, l’usage implique la compréhension et la réplique du geste éprouvé initialement par le designer.
Ainsi, la relation d’empathie entre usager et designer est interactive. Elle consiste pour le premier à effectuer un effort de compréhension sur un dispositif qui dérange ses habitudes et pour le second à faire en sorte que l’écart entre ce qui est connu et le caractère innovant de la proposition ne soit pas infranchissable. La créativité et le renouveau des objets de notre quotidien reposent sur cet équilibre.
Lorsque nous avons initié le workshop entre danse et design, un de nos principaux argumentaires pour mettre en place cet atelier de création reposait sur l’utilisation de la danse comme discipline complice en tant que moyen pour dépasser les barrières linguistiques et les obstacles liés à une situation pédagogique interculturelle.
Le workshop : danse et design, réalisé à une échelle internationale constitue un véritable double crossing, interculturel et transdisciplinaire.
En envisageant le design comme un laboratoire artistique, nous avons pu dépasser la question de sa finalité "attendue" (visant à répondre à un cahier des charges prédéterminé) pour expérimenter d’autres possibles.
Transdisciplinaire, le dispositif fut une extraordinaire occasion d’éprouver nos hypothèses de départ sur les interactions possibles entre les deux pratiques danse et design. Comme nous le pressentions, la confrontation nous a aidés à mieux cerner, par friction, les frontières sans cesse mouvantes du design contemporain. Elle nous a aussi permis d’explorer d’autres voies de méthodologie de projet, fécondes en termes de créativité et d’innovation artistique, comme en témoignent les nombreuses expérimentations, les multiples projets étudiants (dont certains sont en cours de prototypage), et les vidéos qui ont vu le jour durant cette quinzaine.
Le workshop Danse et Design va être renouvelé en 2008 et 2009.
Plus ambitieux encore, nous travaillons actuellement avec le CIAM, Centre d’Initiative Artistiques de l’Université de Toulouse Mirail, et son Directeur Jacques Bétillon, à la construction d’un programme européen d’envergure : une Fabrique Européenne Culturelle nommé FABREC. Le projet repose lui aussi sur un double crossing interdisciplinaire avec la contribution de plusieurs disciplines artistiques (théâtre, littérature, design, musique, cinéma) et interculturel avec cinq partenaires européens (Pologne, Turquie, Italie, Allemagne et Autriche).
Un nouveau pari intellectuel et artistique que nous attendons avec impatience !
Design, danse, transdisciplinaire, interculturel, empathie, geste
Développer un enseignement du design au sein d’une université de lettres et de sciences humaines est une opportunité rare. Par essence, le design repose sur la pluralité des approches disciplinaires. Tout comme la philosophie, la sociologie, les arts plastiques, l’histoire de l’art, il imagine, raconte, questionne notre relation à l’autre et à l’environnement. Dans une logique interactive, il exploite une capacité d’analyse de signaux faibles et des expériences sensibles de situations singulières pour donner naissance à des objets innovants. Dans le cadre de nos enseignements de design à l’Université de Toulouse le Mirail, nous nous sommes interrogés sur les modalités pédagogiques susceptibles de développer de telles aptitudes. Depuis quelques années, nous avons impulsé et mis en œuvre, des dispositifs expérimentaux à la croisée de problématiques de création transdisciplinaires et de complicités artistiques inattendues
Le projet entre danse et design a été réalisé durant l’année universitaire 2006-2007 dans le cadre d’un programme intensif Socrates IP financé par la Commission Européenne. Il a aussi reçu le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi Pyrénées et a bénéficié de l’expertise d’Annie Bozzini, Directrice du Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse. Le programme a pris place en janvier 2007 avec comme partenaires l’Université CEU de Valence en Espagne (associée au groupe de designers Culdesac), l’Universitad degli studi di Firenze, en Italie et les chorégraphes Boris Charmatz, Manuela Agnesini, et Rachel Garcia. Le Socrates IP s’est déroulé sous la forme d’un workshop durant 15 jours en alternant différents exercices de danse et de design.
Le design constitue avant tout une conception du monde. La confrontation avec la danse positionne le geste comme le médium par lequel on dépasse la perception d’une situation donnée pour éprouver corporellement une expérience : un autre cheminement pour de nouvelles typologies d’objets ou comment explorer avec un chorégraphe, les possibilités de dessiner un objet à partir du geste ? Comment la rencontre et la friction du point de vue des chorégraphes et des designers peut-elle générer de nouvelles formes et de nouvelles modalités d’usages ?
Expérimenter la gestuelle comme une matrice de création pour la conception d’objets innovants. L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, « déceler l’invisible » et expérimenter sensoriellement la situation révélée. Etonnante matrice que le mouvement d’un corps en mouvement pour générer un objet !
On pourrait se demander quelle légitimité il y a à confronter deux disciplines comme la danse et le design : l’une relève des arts du spectacle et se joue devant un public, durant un temps déterminé, l’autre se préoccupe de donner une forme aux objets qui font de ce monde un monde humain.
La danse est avant tout un langage du corps. La danse renvoie à une forme primitive de communication. Elle est un moyen d’exprimer par le corps des émotions et des sensations de la vie quotidienne. Danser pour séduire, danser pour se distraire, danser la joie d’une victoire ou encore danser pour revendiquer. Le corps s’engage, le corps s’instrumentalise. Un espace d’expressivité où le corps se meut librement et où les expérimentations successives participent de la construction d’un nouveau langage.
On pourrait prolonger cette idée avec le texte de Marcel Mauss qui développe l’idée qu’un certain nombre de geste de la vie humaine peuvent être analysés sous l’angle de la technique : comme accoucher, se laver, nager… Chaque geste propre à ces situations démontre son caractère efficace : un geste poursuivant un but … le corps au centre.
A l’inverse du langage parlé dont la compréhension relève de l’articulation de différents niveaux (phonèmes, mots, phrase…), la gestuelle ne connait pas de restriction similaire. Elle évolue plus librement, provoquant à chacune de ses variations spatiales, temporelles, de formes ou de trajectoires, de nouvelles expressions et significations.
La danse, exploite ces possibilités de la gestuelle. Cette question de la signification, en jeu dans l’espace chorégraphique, l’est aussi dans la gestuelle qui me relie à un objet. Prenons l’exemple d’une carafe à la forme arrondie, dont le poids m’oblige à utiliser mes deux mains pour le service. Remplir un verre d’eau à mon voisin revient dés lors à lui offrir à boire : la forme de l’objet, influe sur le geste qui se répercute à son tour sur la signification de l’action. Mais le designer n’a pas nécessairement conscience de la complexité de ces mécanismes. Dés lors, tout le travail du chorégraphe lors du workshop, vise à amener les étudiants à éprouver corporellement ces situations.
Par un travail sur le corps et le mouvement, les étudiants éprouvent et expérimentent l’existence d’une gestuelle du quotidien ainsi que ses répercussions multiples et polysémiques.
Le designer ne se met il pas à la place du futur utilisateur pour générer son objet ?
Cette capacité qu’a le designer par empathie à se substituer à l’autre lui permet de créer une sorte de glissement de l’avant vers l’après, de se mettre à la place de l’usager. N’est ce pas là aussi une manière de brouiller le schéma émetteur récepteur et de déplacer cette dichotomie en se substituant à l’autre pour mieux répondre à son besoin ?
L’empathie du designer suppose une capacité du designer à développer une sensibilité exacerbée capable de décrypter l’extraordinaire, la magie et la poésie dans les actes et les comportements des gens ordinaires dans le but d’inventer le monde de demain. L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, déceler l’invisible et expérimenter sensoriellement la situation révélée.
Le geste devient le médium par lequel on dépasse la perception d’une situation donnée pour éprouver corporellement une expérience : un autre cheminement pour de nouvelles typologies d’objets ou comment explorer avec un chorégraphe, les possibilités de dessiner un objet à partir du geste ?
Le designer, pour peu qu’ils se donnent la peine d’explorer des voies méthodologiques inattendues, a ce potentiel d’inventer d’autres possibles, d’autres formes, plus proches de l’homme, et justement tellement plus à l’écoute de nos cinq sens.
A partir d’une situation simple comme boire un café, prendre une pause, traverser une route… les étudiants expérimentent les micros-modifications gestuelles induites par le changement de contexte (friendly, carrefuly, sexy, quickly) sur l’action à effectuer. Dans un second temps sont proposées des variantes de formes pour les objets utilisés et/ou inventé. Pour la situation quickly, par exemple, le geste de la main qui signale à l’automobiliste que le piéton va s’engager sur la voie est exploité. Ce simple mouvement génère autour de lui un volume spécifique qui est revisité afin de créer un objet signal en accord avec la signification de l’action et sa connotation publique. La proposition, constituée d’un ruban phosphorescent accroché à la ceinture, dessine et matérialise, lorsqu’on le déploie, le mouvement de la main levée qui signale la traversée et renforce ainsi l’intention du piéton.
Dans un tout autre registre, celui de la toilette et plus précisément du rituel du lavage des mains, les gestes sont revisités selon différentes directions qui ouvrent chacune sur de nouvelles formes et de nouvelles modalités d’usages. Sont proposés différentes variantes de lavabos. Le premier intègre un savon positionné en arc de cercle autour du réceptacle, comme une invitation à la caresse. Un autre se décline sous la forme d’une boule mi-céramique, mi-savon traversée par un filet d’eau et nous invite là encore à modifier nos jeux de mains habituels, pour plus de sensualité. Un autre enfin propose un lavabo en trois parties qui matérialise la décomposition des actions associés au rituel : mouillage, savonnage, séchage…
L’expérience corporelle sert donc d’incitateur à un acte créatif, qui à son tour conditionne la relation gestuelle que nous entretenons avec l’objet lors de l’usage. Le geste dès lors, est perçu comme un élément « chorégraphié » complexe interagissant avec l’environnement global et immédiat de l’utilisation.
Le geste devient alors la contre-forme de l’objet, une sorte de négatif. Mais un négatif indexé, c'est-à-dire inscrit dans une des dimensions possibles de l’objet : celle de l’usage. En quelque sorte, notre travail sur le geste se rapproche d’un travail sur le moule : on explore le devenir de l’objet en s’intéressant à ses contre-formes possibles. Il s’agit de partir du geste, pour mieux y retourner, mais différemment.
L’acte créatif reposerait donc sur ces deux postulats : se mettre à la place de, déceler l’invisible et expérimenter corporellement la situation révélée. De la combinaison de ces deux ressentis, de l’autre et de soi même émerge un nouveau cheminement méthodologique de projet : pour de nouvelles typologies d’objets.
Les différents exemples détaillés précédemment illustrent cette nécessité pour l’utilisateur d’interroger l’objet afin d’en saisir le fonctionnement. Qu’il s’agisse du lavabo ou encore de l’objet signal, l’usage implique la compréhension et la réplique du geste éprouvé initialement par le designer.
Ainsi, la relation d’empathie entre usager et designer est interactive. Elle consiste pour le premier à effectuer un effort de compréhension sur un dispositif qui dérange ses habitudes et pour le second à faire en sorte que l’écart entre ce qui est connu et le caractère innovant de la proposition ne soit pas infranchissable. La créativité et le renouveau des objets de notre quotidien reposent sur cet équilibre.
Lorsque nous avons initié le workshop entre danse et design, un de nos principaux argumentaires pour mettre en place cet atelier de création reposait sur l’utilisation de la danse comme discipline complice en tant que moyen pour dépasser les barrières linguistiques et les obstacles liés à une situation pédagogique interculturelle.
Le workshop : danse et design, réalisé à une échelle internationale constitue un véritable double crossing, interculturel et transdisciplinaire.
En envisageant le design comme un laboratoire artistique, nous avons pu dépasser la question de sa finalité "attendue" (visant à répondre à un cahier des charges prédéterminé) pour expérimenter d’autres possibles.
Transdisciplinaire, le dispositif fut une extraordinaire occasion d’éprouver nos hypothèses de départ sur les interactions possibles entre les deux pratiques danse et design. Comme nous le pressentions, la confrontation nous a aidés à mieux cerner, par friction, les frontières sans cesse mouvantes du design contemporain. Elle nous a aussi permis d’explorer d’autres voies de méthodologie de projet, fécondes en termes de créativité et d’innovation artistique, comme en témoignent les nombreuses expérimentations, les multiples projets étudiants (dont certains sont en cours de prototypage), et les vidéos qui ont vu le jour durant cette quinzaine.
Le workshop Danse et Design va être renouvelé en 2008 et 2009.
Plus ambitieux encore, nous travaillons actuellement avec le CIAM, Centre d’Initiative Artistiques de l’Université de Toulouse Mirail, et son Directeur Jacques Bétillon, à la construction d’un programme européen d’envergure : une Fabrique Européenne Culturelle nommé FABREC. Le projet repose lui aussi sur un double crossing interdisciplinaire avec la contribution de plusieurs disciplines artistiques (théâtre, littérature, design, musique, cinéma) et interculturel avec cinq partenaires européens (Pologne, Turquie, Italie, Allemagne et Autriche).
Un nouveau pari intellectuel et artistique que nous attendons avec impatience !
Le design aléatoire à terminer : Céline Picard
“ Poussant les choses à l'extrême, rien n'empêche d'imaginer que la conception de l'objet final puisse être, un jour, le fait de l'utilisateur
lui-même, le designer conservant, peut-être (…)
un rôle de guide. ”
Raymond GUIDOT (1994, p.212)
Quelques designers orientent le design vers des applications plus audacieuses afin de sortir d’une production standardisée mais aussi d’une surconsommation tendant à désincarner l’usager. Quelques consommateurs trouvent des stratégies afin de se réapproprier les objets de grande consommation, de les rendre uniques. Ayant perçu cette mouvance, certains designers se lancent dans le concept du “ design aléatoire ”, tel que nous le nommons. Son objectif principal est d'impliquer largement l'usager dans la finalisation de leur objet. Ainsi, le consommateur passe d’un statut passif à actif en devenant quasi co-designer. Le positionnement conceptuel des designers de l’aléatoire, plus proche de ceux connus dans le champ des arts plastiques contemporains, place leurs productions à mi-chemin de l'art et du design d'objet.
Design aléatoire, sujet-actant, non-fini, imperfection, interdisciplinarité
Les premières automobiles étaient livrées dans leur plus simple expression : un chassis, un moteur. A la charge du carrossier local de la compléter selon les désirs du client. A l’inverse, le consommateur contemporain est submergé d’une foule de produits finis. Tout est mis en place pour pousser à la consommation excessive. En réaction à ce système est né une besoin de personnaliser notre environnement quotidien. Il est apparu en Californie, entre 1940 et 1965 sous le terme de “ tunning ” et consistait alors à opérer des modifications esthétiques et performatives sur des véhicules, les transposant de la sphère industrielle à la sphère artistique. Ce désir de se réapproprier des productions “ anonymes ”, s’est développé jusqu’à aujourd’hui, de la mode des meubles en kit, des tags à la personnalisation de vêtements, téléphones. Leur présence quotidienne excessive, leur standardisation à outrance, déshumanisée, provoque un besoin de reconnaissance individuelle.
Quelques designers, que nous nommons “ designers de l’aléatoire ”, tentant de répondre à cette volonté toujours croissante, proposent des produits non-finis, “ à terminer ” par le consommateur. L’aléatoire intervient tant dans la non-maîtrise des gestes de l'acheteur que dans l’impossibilité pour le designer de prédéfinir la forme ou la fonction de l’objet.
Cette analyse, même si elle traite d’une position particulière dans le domaine de la création d’objet (et dans l’histoire du design), permet d’aborder les problèmes de fond concernant les limites du design fonctionnaliste et d’en proposer des échappatoires possibles. Ce revirement du design ouvre clairement un vaste questionnement autour des limites du design d’objet et du rôle du designer.
Nous verrons qu’au travers ce processus hors-norme, l’objet et l’usager entrent en interaction. C’est en ce sens que le consommateur passe d’un statut passif à actif. De plus, le recours à l’aléatoire induit le principe de non-contrôle, qui lui-même entraîne la notion d’imperfection, elle-même née du fortuit. Cette redéfinition des “ lois ” de la création d'objet, où l'imperfection devient une des composantes esthétisantes, pose la problématique de l'affiliation avec les arts plastiques.
Collection A-POC, “ A Piece Of Cloth ”, imaginée en 2000 par Issey Miyake
Ce projet a été réalisé aux côtés de l’industriel du textile Dai Fujiwara, spécialisé dans les textiles dits “ intelligents ”. A-POC, révolutionne tout autant la mode, la manière de concevoir un vêtement et de le produire, mais aussi la manière dont l’usager peut se l’approprier.
Il s’agit d’un rouleau de tissu, de deux épaisseurs, dans lesquelles sont prédécoupées des silhouettes. Les silhouettes sont perforées à la chaîne, et prêtes à être découpées par l’usager. Chaque dessin, imaginé par Issey Miyake, permet un nombre relativement important de choix lorsqu’il est découpé. Ainsi, selon ses envies ou besoins, l’acheteur peut obtenir une robe, une jupe, un abat jour ou, pourquoi pas un siège, ou un couvre siège. On peut imaginer aussi, utiliser une certaine partie de la silhouette pour réaliser un tee-shirt et l’autre pour confectionner un bonnet, des chaussettes ou une ceinture ! Une fois le tissu découpé, l’air prend place dans l’épaisseur existant entre les deux pans de tissu et l’habit prend sa forme et son volume .
Ingo Maurer, suspension Birds birds birds, 1992
Elle est constituée d’une longue tige métallique suspensive le long de laquelle émane une succession de 21 petites tiges métalliques enroulées autour des fils électriques. A l’extrémité de chacune se trouvent une ampoule dotée de deux ailes, réalisées en véritables plumes d’oiseau. Ces fils de fer enroulés autour des fils électriques sont positionnables à souhait. L’acquéreur peut ainsi obtenir une composition ouverte et aérée ou plutôt rassemblée. L’éclairage varie selon la direction donnée aux ampoules qui peuvent venir éclairer le plafond, la table de salon ou la table du séjour.
suspension Zettel’z, 1997
Elle est composée d’une longue tige suspensive sur laquelle sont greffées une trentaine de fils de fer, longs de 30 à 50 centimètres. Elle est livrée avec une série de petits papiers rectangulaires, à pincer aléatoirement le long de ces tiges métalliques. Certains d’entres eux sont sérigraphiés et laissent apparaître des citations, expressions et/ou mots imaginés par le designer. D’autres papiers sont laissés vierges. Le “ but du jeu ” est de les personnaliser avec des dessins, expressions, signatures… Ingo Maurer laisse donc à l’acheteur la charge de griffonner ces papiers blancs.
Tord Boontje, Rough-and-ready, 2000,

lui-même, le designer conservant, peut-être (…)
un rôle de guide. ”
Raymond GUIDOT (1994, p.212)
Quelques designers orientent le design vers des applications plus audacieuses afin de sortir d’une production standardisée mais aussi d’une surconsommation tendant à désincarner l’usager. Quelques consommateurs trouvent des stratégies afin de se réapproprier les objets de grande consommation, de les rendre uniques. Ayant perçu cette mouvance, certains designers se lancent dans le concept du “ design aléatoire ”, tel que nous le nommons. Son objectif principal est d'impliquer largement l'usager dans la finalisation de leur objet. Ainsi, le consommateur passe d’un statut passif à actif en devenant quasi co-designer. Le positionnement conceptuel des designers de l’aléatoire, plus proche de ceux connus dans le champ des arts plastiques contemporains, place leurs productions à mi-chemin de l'art et du design d'objet.
Design aléatoire, sujet-actant, non-fini, imperfection, interdisciplinarité
Les premières automobiles étaient livrées dans leur plus simple expression : un chassis, un moteur. A la charge du carrossier local de la compléter selon les désirs du client. A l’inverse, le consommateur contemporain est submergé d’une foule de produits finis. Tout est mis en place pour pousser à la consommation excessive. En réaction à ce système est né une besoin de personnaliser notre environnement quotidien. Il est apparu en Californie, entre 1940 et 1965 sous le terme de “ tunning ” et consistait alors à opérer des modifications esthétiques et performatives sur des véhicules, les transposant de la sphère industrielle à la sphère artistique. Ce désir de se réapproprier des productions “ anonymes ”, s’est développé jusqu’à aujourd’hui, de la mode des meubles en kit, des tags à la personnalisation de vêtements, téléphones. Leur présence quotidienne excessive, leur standardisation à outrance, déshumanisée, provoque un besoin de reconnaissance individuelle.
Quelques designers, que nous nommons “ designers de l’aléatoire ”, tentant de répondre à cette volonté toujours croissante, proposent des produits non-finis, “ à terminer ” par le consommateur. L’aléatoire intervient tant dans la non-maîtrise des gestes de l'acheteur que dans l’impossibilité pour le designer de prédéfinir la forme ou la fonction de l’objet.
Cette analyse, même si elle traite d’une position particulière dans le domaine de la création d’objet (et dans l’histoire du design), permet d’aborder les problèmes de fond concernant les limites du design fonctionnaliste et d’en proposer des échappatoires possibles. Ce revirement du design ouvre clairement un vaste questionnement autour des limites du design d’objet et du rôle du designer.
Nous verrons qu’au travers ce processus hors-norme, l’objet et l’usager entrent en interaction. C’est en ce sens que le consommateur passe d’un statut passif à actif. De plus, le recours à l’aléatoire induit le principe de non-contrôle, qui lui-même entraîne la notion d’imperfection, elle-même née du fortuit. Cette redéfinition des “ lois ” de la création d'objet, où l'imperfection devient une des composantes esthétisantes, pose la problématique de l'affiliation avec les arts plastiques.
Collection A-POC, “ A Piece Of Cloth ”, imaginée en 2000 par Issey Miyake

Ce projet a été réalisé aux côtés de l’industriel du textile Dai Fujiwara, spécialisé dans les textiles dits “ intelligents ”. A-POC, révolutionne tout autant la mode, la manière de concevoir un vêtement et de le produire, mais aussi la manière dont l’usager peut se l’approprier.
Il s’agit d’un rouleau de tissu, de deux épaisseurs, dans lesquelles sont prédécoupées des silhouettes. Les silhouettes sont perforées à la chaîne, et prêtes à être découpées par l’usager. Chaque dessin, imaginé par Issey Miyake, permet un nombre relativement important de choix lorsqu’il est découpé. Ainsi, selon ses envies ou besoins, l’acheteur peut obtenir une robe, une jupe, un abat jour ou, pourquoi pas un siège, ou un couvre siège. On peut imaginer aussi, utiliser une certaine partie de la silhouette pour réaliser un tee-shirt et l’autre pour confectionner un bonnet, des chaussettes ou une ceinture ! Une fois le tissu découpé, l’air prend place dans l’épaisseur existant entre les deux pans de tissu et l’habit prend sa forme et son volume .
Ingo Maurer, suspension Birds birds birds, 1992

Elle est constituée d’une longue tige métallique suspensive le long de laquelle émane une succession de 21 petites tiges métalliques enroulées autour des fils électriques. A l’extrémité de chacune se trouvent une ampoule dotée de deux ailes, réalisées en véritables plumes d’oiseau. Ces fils de fer enroulés autour des fils électriques sont positionnables à souhait. L’acquéreur peut ainsi obtenir une composition ouverte et aérée ou plutôt rassemblée. L’éclairage varie selon la direction donnée aux ampoules qui peuvent venir éclairer le plafond, la table de salon ou la table du séjour.
suspension Zettel’z, 1997
Elle est composée d’une longue tige suspensive sur laquelle sont greffées une trentaine de fils de fer, longs de 30 à 50 centimètres. Elle est livrée avec une série de petits papiers rectangulaires, à pincer aléatoirement le long de ces tiges métalliques. Certains d’entres eux sont sérigraphiés et laissent apparaître des citations, expressions et/ou mots imaginés par le designer. D’autres papiers sont laissés vierges. Le “ but du jeu ” est de les personnaliser avec des dessins, expressions, signatures… Ingo Maurer laisse donc à l’acheteur la charge de griffonner ces papiers blancs.
L’objet perd donc son statut d’objet standardisé pour entrer dans la sphère de l’intime, du privée. Ce dernier possède, une fois la customisation terminée, un objet unique.
Il est intéressant de constater qu’une relation dialectique est proposée à l’acheteur, par le designer.
Tord Boontje, Rough-and-ready, 2000,
Il s’agit d’une collection complète comprenant des bibliothèques, armoires, lampes, tables ou chaises.
Pour réaliser cet objet, Tord Boontje offre au public un fascicule. Celui-ci contient les instructions nécessaires pour construire soi-même cette chaise appuyées par des schémas.
Cette “ notice de fabrication ” est volontairement laissée relativement floue notamment lorsqu’il s’agit du choix des matériaux. Le designer souhaite en effet que le consommateur maîtrise l’esthétique mais aussi le coût de son objet. Par exemple, la structure de la chaise peut être faite à partir de morceaux de bois trouvés ou de métal, l’assise peut être recouverte à l’aide d'une vieille couverture ou d'une longue corde. Ainsi, le designer n’a, finalement, qu’une idée très vague des formes que les différentes chaises vont prendre. L’objet peut ainsi, en fonction des goûts ou des désirs des propriétaires, passer d’une apparence campagnarde et traditionnelle à une apparence plus high-tech.
Tord Boontje donne, au consommateur, les moyens de créer à l’infini sa propre chaise, sans avoir à en acheter d’autres.
Pour réaliser cet objet, Tord Boontje offre au public un fascicule. Celui-ci contient les instructions nécessaires pour construire soi-même cette chaise appuyées par des schémas.
Cette “ notice de fabrication ” est volontairement laissée relativement floue notamment lorsqu’il s’agit du choix des matériaux. Le designer souhaite en effet que le consommateur maîtrise l’esthétique mais aussi le coût de son objet. Par exemple, la structure de la chaise peut être faite à partir de morceaux de bois trouvés ou de métal, l’assise peut être recouverte à l’aide d'une vieille couverture ou d'une longue corde. Ainsi, le designer n’a, finalement, qu’une idée très vague des formes que les différentes chaises vont prendre. L’objet peut ainsi, en fonction des goûts ou des désirs des propriétaires, passer d’une apparence campagnarde et traditionnelle à une apparence plus high-tech.
Tord Boontje donne, au consommateur, les moyens de créer à l’infini sa propre chaise, sans avoir à en acheter d’autres.
Le design aléatoire devient concept et, finalement, n’est proposé au consommateur que sous une forme abstraite, peut être matérialisée par la bidimentionnalité du fascicule.
Suspension Garland
Il s’agit d’une guirlande métallique de 1 mètre 60 de long.
Elle est ornée de fleurs et de feuilles stylisées, elles-mêmes en métal. L’usager doit se procurer une ampoule classique et enrouler la guirlande tout autour. Elle est facilement positionnable et nécessite, pour la fixer, d’une simple agrafe. Selon ses envies, le consommateur peut la laisser plus ou moins ballante et resserrée autour de son centre d’accroche. La diffusion de la lumière est influencée par cette disposition qui détermine le potentiel d’éclairage de l’objet.
Elle est ornée de fleurs et de feuilles stylisées, elles-mêmes en métal. L’usager doit se procurer une ampoule classique et enrouler la guirlande tout autour. Elle est facilement positionnable et nécessite, pour la fixer, d’une simple agrafe. Selon ses envies, le consommateur peut la laisser plus ou moins ballante et resserrée autour de son centre d’accroche. La diffusion de la lumière est influencée par cette disposition qui détermine le potentiel d’éclairage de l’objet.
Do Create, fondé en 1996, regroupe des designers internationaux venus s’associer autour de travaux expérimentaux . Notons qu’ils s’approprient le verbe “ do ”, c’est-à-dire le verbe faire du concept “ do it yourself ”.
Ainsi, pour s’asseoir sur le fauteuil Do hit de Marijn van der Poll, il revient au propriétaire d’emboutir l’assise grâce au marteau fourni avec.
En effet, ce fauteuil est livré industrialisé, sous la forme d’un bloc d’acier creux, parfaitement cubique. Tel quel, il ne peut servir en tant que fauteuil. Dans les objets de Do Create, l’objet ne se donne pas à l’usager sous sa forme ustensilaire traditionnelle. L’acheteur customise totalement cette assise qui peut être plus ou moins haute pour offrir tout autant un fauteuil, un fauteuil club ou une chauffeuse. Lui revient aussi la responsabilité ergonomique ; le confort reste entièrement à sa charge.
Participer à la finalisation de l’objet, sans avoir de directives précises de la part des designers, revient à redéfinir le statut du consommateur.
C’est une véritable valorisation conceptuelle offerte à l’usager. Jusque-là, ce dernier n’était considéré, finalement, qu’en termes économiques et de “ cible commerciale ”. L’usager va acquérir, grâce au design aléatoire “ à terminer ”, une nouvelle posture puisque notamment, il passe d’un statut passif à un statut actif. De plus, cette implication dans la production de ses biens lui permet d’exprimer toutes sortes de ressentis émotionnels et laisse envisager un nouveau rapport designer/consommateur/objet.
“ Ça vous plaît ? C’est moi qui l’ai fait ! ”
En effet, ce fauteuil est livré industrialisé, sous la forme d’un bloc d’acier creux, parfaitement cubique. Tel quel, il ne peut servir en tant que fauteuil. Dans les objets de Do Create, l’objet ne se donne pas à l’usager sous sa forme ustensilaire traditionnelle. L’acheteur customise totalement cette assise qui peut être plus ou moins haute pour offrir tout autant un fauteuil, un fauteuil club ou une chauffeuse. Lui revient aussi la responsabilité ergonomique ; le confort reste entièrement à sa charge.
Participer à la finalisation de l’objet, sans avoir de directives précises de la part des designers, revient à redéfinir le statut du consommateur.
C’est une véritable valorisation conceptuelle offerte à l’usager. Jusque-là, ce dernier n’était considéré, finalement, qu’en termes économiques et de “ cible commerciale ”. L’usager va acquérir, grâce au design aléatoire “ à terminer ”, une nouvelle posture puisque notamment, il passe d’un statut passif à un statut actif. De plus, cette implication dans la production de ses biens lui permet d’exprimer toutes sortes de ressentis émotionnels et laisse envisager un nouveau rapport designer/consommateur/objet.
“ Ça vous plaît ? C’est moi qui l’ai fait ! ”
Dans la société d’aujourd’hui, chacun apprécie de pouvoir mettre sa touche personnelle et d'exprimer ainsi son individualité. Il peut ainsi se retrouver dans ses objets du quotidiens.
Les actions ainsi entreprises font partie de la mémoire de l’objet. Le travail exécuté, en amont de sa fière exposition, rehausse sa valeur.
Nous pouvons conclure en disant que les interventions fournies sur l’objet le rendent in-jetables. Des émotions lient les deux et l’objet, jusqu’à son abandon ou sa destruction, gardera en lui les traces matérielles et émotives de son utilisateur.
L’objet n’existe, dans sa valeur fonctionnelle, qu’à partir du moment où l’utilisateur l’a customisé, personnalisé. Jusqu’à cette étape cruciale, l’objet reste concept, œuvre artistique, c’est-à-dire dénué d’une fonction concrète. Même si l’objet garde une apparence décalée vis-à-vis du design académique, une fois “ abouti ” par le consommateur, il passe, malgré tout, dans la sphère ustensilaire.
Les actions ainsi entreprises font partie de la mémoire de l’objet. Le travail exécuté, en amont de sa fière exposition, rehausse sa valeur.
Nous pouvons conclure en disant que les interventions fournies sur l’objet le rendent in-jetables. Des émotions lient les deux et l’objet, jusqu’à son abandon ou sa destruction, gardera en lui les traces matérielles et émotives de son utilisateur.
L’objet n’existe, dans sa valeur fonctionnelle, qu’à partir du moment où l’utilisateur l’a customisé, personnalisé. Jusqu’à cette étape cruciale, l’objet reste concept, œuvre artistique, c’est-à-dire dénué d’une fonction concrète. Même si l’objet garde une apparence décalée vis-à-vis du design académique, une fois “ abouti ” par le consommateur, il passe, malgré tout, dans la sphère ustensilaire.
Cette approche nous alerte sur la manière figée avec laquelle la plupart des intérieurs sont vécus mais aussi et surtout sur la tiédeur d’une grande partie de la production de l’ère industrielle.
Le rôle du designer, au-delà de la réponse à des attentes esthétiques et fonctionnelles doit aussi porter un regard nouveau, observer l’existant. Il se positionne désormais comme un garde-fou de la société à l’instar des artistes.
Le rôle du designer, au-delà de la réponse à des attentes esthétiques et fonctionnelles doit aussi porter un regard nouveau, observer l’existant. Il se positionne désormais comme un garde-fou de la société à l’instar des artistes.
Quelques pistes exploratoires sur la relation entre émotions et design : Agnès Levitte
Par la lecture critique de quatre articles sur « design et émotions » je détermine les questions principales sur le sujet et les concepts à définir. J’applique ensuite les trois types d’émotions décrites par les psychologues et les philosophes à ce que peut ressentir un utilisateur face à un objet quotidien. Puis je décris, en m’appuyant sur les récentes recherches en neurosciences, le rôle structurant qu’ont les émotions dans la perception. Les enquêtes empiriques menées en gare ferroviaire me permettent enfin de comparer les hypothèses scientifiques au vécu des usagers de l’espace public.
émotion, perception, attention émotionnelle, espace public
Dans le cadre d’un doctorat sur la perception des objets quotidiens, je m’interroge sur le regard porté par l’utilisateur sur l’espace public, et je cherche à comprendre et identifier ce qui est effectivement vu / compris par tous types de personnes. Je me pose parallèlement la question de l’outil qui pourrait permettre de savoir, avec autant de précision que possible, ce qui est perçu. Mes recherches précédentes sur ces sujets m’ont permis de recenser les auteurs qui ont travaillé sur des outils d’enquête méthodologique, et de comprendre l’importance de la séquence perception – attention – mémorisation pour qu’un observateur accède, dans le temps, à retenir ce qu’il voi. Pourtant de nombreuses ambiguïtés persistent comme, par exemple : pourquoi voyons-nous certains objets de notre environnement à un moment donné et ignorons-nous les autres ? L’une des réponses à cette question se trouve intuitivement dans le rôle que jouent les émotions. En m’appuyant sur les recherches en cours menées par les Sciences Cognitives et les Neurosciences, j’explore ensuite quelques réponses notamment la compréhension des émotions et leur rôle dans la perception. Dans la troisième partie, je rends compte d’entretiens libres que j’ai menés auprès d’utilisateurs d’espaces publics en gare, et je tente d’appliquer les conclusions précédentes à mes analyses. Ces trois parties me permettent d’ébaucher une réponse à mon double questionnement : quel peut être le rôle des émotions dans la perception d’un objet quotidien et comment savoir, avec le maximum d’objectivité, ce qui est effectivement perçu par l’utilisateur ?
Le rôle du designer est d’apporter des valeurs nouvelles aux produits ou aux lieux de vie. L’utilisateur devrait percevoir et identifier ces valeurs : attraction visuelle, confort d’usage, apprentissage aisé, pour n’en citer que quelques-unes.
Quelles sont les émotions qu’on peut ressentir face à un produit ou à un espace ?
Qu’est-ce qui fait naître ces émotions ?
Quelles fonctions peuvent-elles remplir ?
Les émotions déclenchées par un objet quotidien couvrent un large spectre, du plaisir à la colère, de l’étonnement à la frustration, du bien-être à l’inconfort, et elles peuvent nous guider à reconnaître, comprendre, apprécier, nous méfier et nous alerter, améliorer notre humeur ou être désagréable, entre autres influences. Nous avons également compris que les expressions comme « insuffler une émotion » à un objet ou « objet émotionnel » n’ont pas de sens en soi puisque l’émotion est ressenti par celui que regarde, ce sont des raccourcis sémantiques. Chercheurs en design et concepteurs avons encore beaucoup de travail pour exploiter ces informations et enrichir nos réflexions et nos concepts créatifs. De plus, les émotions peuvent non seulement prolonger notre vision, mais aussi structurer et influer notre perception et notre cognition. La relation design/émotion est ainsi plus riche et plus complexe que ce qui était pressenti.
Deux questions restent en suspens : celle de la situation et de l’engagement de l’individu dans son environnement psychologique, social et culturel. Pourquoi une personne ressentira-t-elle une forte émotion à la vue d’un objet et l’autre aucune ? Pourquoi suis-je émue aujourd’hui et indifférente demain (ou l’inverse) devant le même objet ? Je propose de creuser ces interrogations pour notre prochain Atelier de Recherche en Design. Derrière ces questions sur les émotions se cache une deuxième interrogation : quelle est la nature du plaisir et du déplaisir esthétiques face à un objet ordinaire ou banal, plaisir et déplaisir qui eux aussi sont situés et engagés ? Ce sera la direction de la suite de mon travail
émotion, perception, attention émotionnelle, espace public
Dans le cadre d’un doctorat sur la perception des objets quotidiens, je m’interroge sur le regard porté par l’utilisateur sur l’espace public, et je cherche à comprendre et identifier ce qui est effectivement vu / compris par tous types de personnes. Je me pose parallèlement la question de l’outil qui pourrait permettre de savoir, avec autant de précision que possible, ce qui est perçu. Mes recherches précédentes sur ces sujets m’ont permis de recenser les auteurs qui ont travaillé sur des outils d’enquête méthodologique, et de comprendre l’importance de la séquence perception – attention – mémorisation pour qu’un observateur accède, dans le temps, à retenir ce qu’il voi. Pourtant de nombreuses ambiguïtés persistent comme, par exemple : pourquoi voyons-nous certains objets de notre environnement à un moment donné et ignorons-nous les autres ? L’une des réponses à cette question se trouve intuitivement dans le rôle que jouent les émotions. En m’appuyant sur les recherches en cours menées par les Sciences Cognitives et les Neurosciences, j’explore ensuite quelques réponses notamment la compréhension des émotions et leur rôle dans la perception. Dans la troisième partie, je rends compte d’entretiens libres que j’ai menés auprès d’utilisateurs d’espaces publics en gare, et je tente d’appliquer les conclusions précédentes à mes analyses. Ces trois parties me permettent d’ébaucher une réponse à mon double questionnement : quel peut être le rôle des émotions dans la perception d’un objet quotidien et comment savoir, avec le maximum d’objectivité, ce qui est effectivement perçu par l’utilisateur ?
Le rôle du designer est d’apporter des valeurs nouvelles aux produits ou aux lieux de vie. L’utilisateur devrait percevoir et identifier ces valeurs : attraction visuelle, confort d’usage, apprentissage aisé, pour n’en citer que quelques-unes.
Quelles sont les émotions qu’on peut ressentir face à un produit ou à un espace ?
Qu’est-ce qui fait naître ces émotions ?
Quelles fonctions peuvent-elles remplir ?
Les émotions déclenchées par un objet quotidien couvrent un large spectre, du plaisir à la colère, de l’étonnement à la frustration, du bien-être à l’inconfort, et elles peuvent nous guider à reconnaître, comprendre, apprécier, nous méfier et nous alerter, améliorer notre humeur ou être désagréable, entre autres influences. Nous avons également compris que les expressions comme « insuffler une émotion » à un objet ou « objet émotionnel » n’ont pas de sens en soi puisque l’émotion est ressenti par celui que regarde, ce sont des raccourcis sémantiques. Chercheurs en design et concepteurs avons encore beaucoup de travail pour exploiter ces informations et enrichir nos réflexions et nos concepts créatifs. De plus, les émotions peuvent non seulement prolonger notre vision, mais aussi structurer et influer notre perception et notre cognition. La relation design/émotion est ainsi plus riche et plus complexe que ce qui était pressenti.
Deux questions restent en suspens : celle de la situation et de l’engagement de l’individu dans son environnement psychologique, social et culturel. Pourquoi une personne ressentira-t-elle une forte émotion à la vue d’un objet et l’autre aucune ? Pourquoi suis-je émue aujourd’hui et indifférente demain (ou l’inverse) devant le même objet ? Je propose de creuser ces interrogations pour notre prochain Atelier de Recherche en Design. Derrière ces questions sur les émotions se cache une deuxième interrogation : quelle est la nature du plaisir et du déplaisir esthétiques face à un objet ordinaire ou banal, plaisir et déplaisir qui eux aussi sont situés et engagés ? Ce sera la direction de la suite de mon travail
De l'œuvre à l'outil. Sur le rôle du sujet dans la catégorisation des objets de design : Marc Monjou
Nous proposons de montrer que parallèlement aux recherches centrées sur les propriétés des objets, une enquête à propos des rôles sémiotiques du sujet peut contribuer à éclairer d'un jour nouveau la question de la coexistence des diverses « composantes » ou « dimensions » des objets du design (notamment : leurs composantes plastique et fonctionnelle). À partir des positions de la sémiotique post-greimassienne, nous cherchons ici à montrer que les propriétés des objets (e.g. : /être un outil/ ou bien /être une œuvre/, etc.), et par suite les grands types d'objets, dépendent moins de la constitution des objets eux-mêmes que de l'activité des sujets qui les considèrent (par attribution et catégorisation) ; pour la sémiotique en somme, c'est le sujet qui constitue (institue même) les objets de design dans leur dimension signifiante.
objet – sémiotique – design – catégorisation - propriétés
objet – sémiotique – design – catégorisation - propriétés
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